dimanche 28 novembre 2010

Pour l'hiver, les bibliothèques vous recommandent le pilon-pilon

Les bibliothécaires apprécieront ce mot d'esprit dans toute sa subtilité.

Pour les non-initiés (ceux qui n'ont pas ri), le pilon (synonyme de désherbage, on sait être poétiques parfois en bibliothèque), c'est :
- version pro : un acte indispensable, consistant à supprimer du fonds les ouvrages obsolètes (type "Windows 95 en 10 leçons") ou qui ont un taux d'emprunt relativement bas (le roman qui est sorti 2 fois en 10 ans ou qui n'a tellement pas bougé depuis 5 ans, qu'il commence à faire corps avec l'étagère). Cet acte bibliothéconomique DE BASE (hum) permet de garder un fonds adapté au public et à l'actualité. Et de dégager les étagères pour les nouveautés qui arrivent (une bib étant rarement extensible).
- version j'ai-envie-d'me-faire-du-public : un autodafé (organisé de façon tout à fait arbitraire).

Le pilon déclenche en général deux types de réactions épidermiques dans la profession, les premiers tentant de sauver chaque occupant de son établissement menacé par la folie meurtrière des seconds, eux-mêmes tentant de décimer les collections en loucedé (merci à @repeatagain de m'avoir rappelé cette expression trop peu usitée).

Mais depuis quelques temps, les collègues s'impliquent pour réconcilier conservation et désherbage, en y ajoutant une petite touche de créativité. Et si l'objet livre s'intégrait complètement dans la bibliothèque ?




A la bibliothèque de l'université de Delft, la banque de prêt donne juste envie de pilonner nos plus beaux livres (quoi ?).
Plus d'images sur Design fetish (et ça vaut le détour).




Alors forcément, on se dit "Oui nan mais, la réincarnation de Melvil Dewey viendra me demander une formation d'indexation avant que l'on soit autorisés à exposer nos cadavres de livres en élément de mobilier". Mais il y en a, en bib municipale, qui ont osé. Et le résultat est plutôt funky (ouioui) :



Enfin, un projet qui permet d'utiliser les livres qui dorment dans un coin, tout en s'évitant le traumatisme bien de saison de devoir se farcir le sapin, les boules, le doré, les lampes qui clignotent, les guirlandes à moitié dépiautées, les vœux de bonnes fêtes enjoués... Bon en fait ça vous évite juste le sapin, mais ça peut vous déculpabiliser de pas faire le reste :






















Avec un making of sur le Flickr de la LMU library, et si vous vous demandez ce que c'est, fichtre, que ces 300 bouquins qui ont été utilisés (allez traiter un bibliothécaire de feignasse après ça), c'est ici.


Sur ce, je m'en vais entraîner mes zygomatiques à souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année de 58 façons différentes et à une cadence effrénée, ce qui devrait commencer selon mes estimations mardi prochain.
Habitués du service public, sincère compassion.

mercredi 10 novembre 2010

Avis de disparition au pays des casse-bonbons

Le monde des bibliothèques, c’est un peu comme Dallas, un vrai monde impitoyable, d'ailleurs on devrait en faire une chanson. Ce petit monde est peuplé de différentes tribus qu’il convient d’analyser anthropologiquement parlant, afin de mieux les appréhender (et donc les dominer). Petite liste non-exhaustive (je passe sur les tribus des étudiants studieux et autres lecteurs raisonnables, étant d’ors et déjà sous notre domination, aucun intérêt de s’attarder) :

  • les mini-lardons : âge : entre 0 et 5 ans, exemple de spécimen : "je rentre dans la bibliothèque sans qu'on me voie parce que mes bouclettes ne dépassent pas la banque de prêt, et ressort discrètement avec « L e préservatif : 100 questions/réponses » que je donne fièrement à ma maman mortifiée obligée de le ramener à la bibliothécaire au sourire sadique"
  • les grabataires : âge : de 80 ans à indéterminé pour certains, spécificité : suivis immédiatement d'une délicate odeur mêlant de façon sophistiquée eau de Cologne et naphtaline, ils aiment particulièrement vous en faire profiter en venant vous parler à moins de 10 cm de votre figure, sous prétexte qu'ils entendent pas bien (et vous avez beau leur dire qu'ils entrent dans votre espace de danse, ils n'en ont visiblement rien à paner)

  • les mamans bobos : spécificité : capacité infinie à s'extasier de leur progéniture, exemple de spécimen : "j'exhibe mon mini-lardon et je suis trop fière qu'à 3 ans il ait choisit de dévaster le bac de « Sciences et vie », c'est un signe !" Alors que maman, elle, est toute fière d'avoir dévasté le bac du « Elle »

  • les papas bobos : caractéristiques physiques : lunettes à la mode, barbe de 2 jours, jean bien ajusté, spécificité : fait généralement semblant de lire Le Monde, adore faire des blagues débiles aux bibliothécaires qui rient comme des pintades... bon disons que c'est pas la tribu la plus difficile à supporter

  • les ados : spécificites langagières : n'ayant pas encore intégré les règles du langage, ils essaient donc d'émettre des sons pour se faire comprendre : « euh... z'auriez pas M'pssant... le R'la... le Rola... ah ouais le Horla c'est ça, le Horla eeeet les z'autres trucs là... les contes fantasiques... oué fantastiques ». D'ailleurs c'est fou comme le correcteur d'orthographe s'affole dès qu'on essaie de retranscrire leur langage

  • les casse-bonbons, connues aussi sous le nom de "connasses du samedi" (mais certaines font du 7/7, ça dépend de leur disponibilité,) : pour une définition, allez-voir l'étude menée il y a un certain temps par une certaine bibliothécaire acariâtre


Je voudrais m'attarder sur cette dernière tribu, pour laquelle je m'inquiète sérieusement depuis quelques temps. Lorsqu'une nouvelle stagiaire m'a fait remarquer que le public de la bibliothèque avait l'air sympa, ça a fait tilt : effectivement, ça fait belle turlupette que je n'ai pas eu droit à un petit scandale en bonne et due forme, à une humiliation publique quant à l'incompétence des bibliothécaires à passer correctement un livre en retour, à une indignation outragée après avoir appris que le livre qu'ils avaient emprunté il y a 15 ans a été pilonné (dans ces cas-là je dis qu'on les a brûlé, ça rajoute au tragique).


Et voilà que je me mets à penser aux membres actifs de cette tribu avec une nostalgie empreinte d’un certain désarroi affectif : comment je vais m'entraîner à l'auto-maîtrise nerveuse moi maintenant ??

(le premier qui répond « il reste les collègues », il sort)

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